Les entreprises suisses ne se précipitent pas pour
investir au Vietnam
Potentiel ·
Le Vietnam affiche une croissance insolente, presque égale
à celle de la Chine. Pourtant, les entreprises suisses
ne répondent pas aux appels du pied de Hanoi. Seules
les multinationales s'y aventurent.
Carole Vann
Peu de PME suisses investissent au Vietnam. Et pourtant,
tout est prêt pour les y accueillir: ingénieurs compétents,
ressources humaines, facilités administratives.
Le Vietnam évolue au galop, son potentiel est
immense. Mais ce pays, qui a l'une des croissances économiques
(8%) les plus élevées après la Chine (9%), doit
apprendre à se vendre. C'est ce qu'ont constaté des
experts financiers et techniques venus écouter la délégation
de Hanoi au 5e Salon international de l'investissement
et des partenariats (EMA Invest, un lieu de
rendez-vous pour entreprises du Sud et de l'Est avec
des partenaires européens) qui s'est terminé à Genève
le week-end dernier.
Sans conteste, le pays, toujours communiste, donne des
signes de changement irréversibles: les officiels
troquent enfin leur rigidité stalinienne contre une décontraction,
certes encore maladroite, mais qui inspire la sympathie.
On a pu le constater chez le Comité populaire de Hanoi
venu, avec une armada de businessmen, vendre les charmes
de la capitale aux investisseurs suisses. Pointes
d'humour et rires généralisés teintaient les discours
officiels au contenu toujours soporifique... mais il y a
encore cinq ans, la solennité glaciale était de
rigueur.
«un outil stratégique»
Le pays cherche à réunir 30 milliards de dollars pour
moderniser la capitale et ses environs. Plus de cent
projets sont à l'affiche: assainissement de l'eau,
protection des forêts, écotourisme, construction de
locaux, aménagement des routes, coopération bancaire.
Pour les firmes suisses, les Vietnamiens ont préparé
quelques propositions bien ciblées. Mais, le Vietnam,
ce pays prioritaire pour la Coopération suisse pour le
développement (DDC) et l'économie (seco), est ignoré
par les entreprises helvétiques. A part les
multinationales, telles que Nestlé ou Novartis, très
peu de PME y sont implantées.
Pourtant, le pays a tout entre ses mains pour devenir
aussi performant que son grand voisin chinois. Sur
80 millions d'habitants, 60% ont moins de 30 ans: un
potentiel en ressources humaines incroyables que n'a pas
la Chine à cause des limitations des naissances. C'est
d'ailleurs la qualité de ce potentiel qui a attiré
Daniel Gorostidi, directeur général de ELCA, une société
d'informatique lausannoise. «Depuis 1998, nous avons à
Ho Chi Minh-Ville une succursale avec 50 à 60 employés
qui marche extrêmement bien. C'est même devenu, avec
la récession économique, un outil stratégique»,
confie-t-il.
Comment ELCA est arrivée au Vietnam? «On voulait se décentraliser,
mais la Chine et l'Inde sont pris d'assaut par les
multinationales. Je connaissais beaucoup de techniciens
et d'ingénieurs vietnamiens en Suisse, et j'étais
impressionné par leur efficacité. Je me suis dit que,
puisqu'ils avaient été formés sur place, ils devaient
aussi être très performants là-bas. J'y ai
effectivement trouvé des gens très compétents et très
bien formés».
Avec son peuple de combattants, le Vietnam a réussi,
malgré 40 ans de guerre, à se hausser au rang de
premier producteur mondial de riz et deuxième de café.
«Mais le pays qui manque d'industries ne peut exporter
que la matière brute sans valeur ajoutée. Il y a un
besoin urgent d'industries», explique Van Khai Nguyen,
un homme d'affaires vietnamien établi en Suisse. Van
Khai est un de ces nombreux Vietnamiens à avoir quitté
le pays avant la « réunification» (ou la «chute
de Saigon» pour certains). Il a pour son pays, comme la
plupart des Vietnamiens, un amour profond qui va au-delà
des querelles politiques. Il tente d'ailleurs de monter
sur place un projet d'école technique selon le modèle
suisse. L'autoritarisme du gouvernement? Les atteintes
aux libertés? Ça n'a pas l'air de trop déranger les
investisseurs. «Ce ne sont pas des questions
prioritaires, estime de son côté Van Khai. Ces choses
évolueront avec le développement du pays».
CV/InfoSud
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